fmf écrit pour les enfants

Le Lapin royal n’en menait pas large

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Les contes pour les enfants commencent souvent par « Il était une fois… ».

Alors, commençons ainsi…

Il était une fois,

Il y a très longtemps,

Dans un royaume très lointain,

Un lapin qui n’en menait pas large.

Ce lapin était le lapin royal.

Le lapin royal est le lapin favori d’un roi.

Un roi a une femme (la reine), des enfants (les princes et les princesses), des ministres pour gérer les affaires de son royaume, des soldats obéissant à ses ordres, des domestiques pour le servir, des paysans pour le nourrir, des ouvriers pour lui construire des châteaux…

Dans mon histoire, le roi a également un animal favori, un lapin : le lapin royal.

Mais, qu’est-ce qu’un lapin royal, me demanderas-tu ?

En tant que lapin royal, le lapin royal bénéficie de nombreux privilèges.

Le lapin royal passe de longues journées à somnoler dans sa cage.

Une cage avec des barreaux, certes, mais une cage dorée.

Le lapin royal passe de longues journées à somnoler dans sa cage dorée sur un coussin moelleux de soie rose et brodé à ses initiales : L R (Lapin Royal).

Lorsque l’envie de se promener quelque peu vient au lapin royal, un laquais, entièrement à son service, se précipite pour le porter jusqu’à l’extérieur du château, dans le parc.

Le lapin royal gambade alors dans des jardins à la française, sur des pelouses impeccablement tondues, autour de haies, statues, bassins et fontaines.

Et nul jardinier n’ose chasser le lapin royal des parterres de fleurs. Les jardiniers savent bien à qui ils ont affaire. C’est le lapin royal !

Lorsque le lapin royal se sent fatigué, le laquais, toujours entièrement à son service, se précipite pour le reporter jusqu’à sa cage dorée et le poser délicatement sur son coussin moelleux de soie rose.

L’eau du lapin royal est toujours fraîche dans son écuelle en argent gravée à ses initiales : L R

Le cuisinier du roi, en personne, confectionne les repas du lapin royal. Il épluche de belles carottes qu’il découpe en petits tronçons puis agrémente de dés de gruyère et de ciboulette. Les carottes et la ciboulette proviennent du meilleur potager du royaume. Le gruyère est produit avec le lait du plus beau troupeau du royaume. Le repas du lapin royal est servi dans une assiette de porcelaine sur laquelle sont peintes ses initiales : L R

La journée, le lapin royal siège dans la salle du trône, aux pieds du roi. Il s’amuse à voir défiler les courtisans, tout enrubannés, qui cherchent à attirer l’attention et les faveurs de leur souverain.

Lorsque le roi déjeune, que ce soit en famille ou avec des invités de marque, le lapin royal est installé dans la salle à manger royale. Il s’amuse à assister au ballet des serviteurs portant avec précaution des plats époustouflants : monstrueuses pièces de viande rôtie à la broche dans la cheminée, volailles reconstituées avec leurs plumes multicolores, corbeilles de fruits exotiques gorgés de soleil, tartes larges comme des roues de carrosse ou gâteaux à la crème gigantesques ! Des gâteaux comme celui-ci :

Lorsque le roi dort, le lapin royal dort aussi dans la chambre à coucher royale, près du grand lit à baldaquin. Ce qui le dérange un peu, quand même, c’est que le roi ronfle.

Partout où va le roi, il emmène son lapin royal avec lui.

Dans ses nombreux châteaux à travers son royaume, à la neige en hiver, au soleil en été.

Le lapin royal accompagne aussi le roi lors de ses voyages à l’étranger.

Ainsi, le lapin royal de mon histoire a déjà été reçu par un sultan turc, un maharadja indou, la reine d’Angleterre, un roi africain et l’empereur de Chine. Tous se sont extasiés devant le soyeux de sa fourrure, la perfection de ses oreilles et l’intelligence de son regard.

Voici d’ailleurs quelques portraits et photos rapportés de ces voyages officiels du roi et de son lapin royal :

En fait, mon histoire aurait pu s’intituler : « La vie rêvée du lapin royal ».

Mais rappelle-toi, elle commence par :

Il était une fois,

Il y a très longtemps,

Dans un royaume très lointain,

Un lapin qui n’en menait pas large.

Car c’est vrai, le lapin royal n’en menait pas large lorsque commence mon histoire.

Etait-ce parce que le roi avait décidé de changer d’animal favori ? Qu’il s’était entiché d’un chat, d’une grenouille, d’une oie ou d’une girafe ? Et que le lapin royal craignait de perdre son  statut privilégié ?

Non !

Etait-ce parce que la révolte grondait dans le royaume, que le peuple, lassé de travailler pour le roi sans salaire ni congés (c’était, je te l’ai dit, il y a très longtemps), menaçait de faire la révolution ?

Non !

Etait- ce parce qu’une guerre avait été déclarée par un voisin belliqueux dont les armées menaçaient de déferler sur le royaume en pillant et brûlant tout sur leur passage ?

Non !

Etait-ce, tout simplement, parce que la reine était devenue allergique aux poils de lapin ?

Non !

Si tu connais d’autres raisons qui feraient qu’un lapin royal, soudain, n’en mènerait pas large, n’hésite pas à mes les donner. Voici mon adresse :

fmfecritpourlesenfants@gmail.com

Je vais te dire pourquoi le lapin royal de mon histoire n’en menait pas large.

Mais, pour cela, sais-tu comment on reconnaît le lapin royal ?

Il n’est (osons le dire !) ni plus beau ni plus intelligent que tout autre lapin. Il serait même (allez ! Osons le dire également !) un peu plus rondouillard, beaucoup moins débrouillard et parfois beaucoup plus pleurnichard. Trouillard aussi. Forcément, à passer ses journées dans une cage dorée, sur un coussin moelleux de soie rose, ou à être porté par un laquais.

En fait, on reconnaît le lapin royal à la couronne qu’il porte. Une vraie couronne en or, garnie de pierres précieuses : des vertes, des rouges, des bleues…

Une couronne assez semblable, d’après ce que j’en ai entendu dire, à celle-ci :

Si le lapin royal de mon histoire n’en menait pas large, cet après-midi-là, c’est qu’il avait perdu sa couronne !

Le lapin royal s’était fait transporter par son laquais dans les jardins à la française du château car il y avait un beau rayon de soleil après la pluie. Il avait allégrement gambadé sur les pelouses encore humides, puis, subitement, avait eu envie de pousser sa promenade un peu plus loin que d’habitude. Un arc-en-ciel se dessinait dans le ciel ! Le lapin royal se demandait ce qu’il pouvait bien y avoir au pied de ce bel arc multicolore. Il avait entendu parler d’un trésor amoncelé dans un tonneau par des nains travaillant dans des mines de pierres précieuses sous la montagne. Aiguillonné par la curiosité, il avait contourné des bosquets et des bassins, coupé à travers une roseraie et une palmeraie, suivi un chemin pavé d’ardoises qui descendait vers un petit lac… Mais les ardoises étaient rendues glissantes par la pluie récente et, au moment où il atteignait le petit lac, il dérapa et chuta. Alors, sa couronne tomba et roula, roula… Roula jusqu’à…

Plouf ! Au beau milieu du petit lac.

Plouf ! Sous le nez d’un cochon d’Inde et d’un hamster russe qui, tout juste sortis de leur sieste, se livraient à un concours de ricochets sur la surface de l’eau du petit lac.

Les pierres plates qu’ils lançaient faisaient :

Flap, flap,flap, plouf !

La couronne du lapin royal, elle, rebondit sur une racine, s’éleva dans l’air et retomba au milieu du petit lac en faisant simplement :

Plouf !

– Holà, vous deux ! héla le lapin royal qui avait entendu les courtisans s’adresser ainsi à leurs serviteurs.

– Qui ? Nous ? répondirent d’une même voix le cochon d’Inde et le hamster russe en se retournant, interloqués.

– Oui, vous ! Vous n’avez pas vu ma couronne tomber dans l’eau ? Qu’attendez-vous pour aller me la chercher ?

– Tu as une couronne, toi ? Les lapins n’ont pas de couronne, répondit le cochon d’Inde sidéré par le sans-gêne de ce drôle d’animal. De grandes oreilles, de grandes dents, un tout petit bout de queue, oui ! Mais pas de couronne.

– C’est que je ne suis pas un lapin comme les autres. Je suis le lapin royal, le fidèle lapin de sa majesté le roi, qui nourrit pour moi une profonde affection, rétorqua avec suffisance le lapin royal.

– Et moi, je suis le cochon d’Inde chéri de l’impératrice de Russie ! Et voici mon ami, le hamster adoré du pape !

– Cessez, voulez-vous ! Je vous ordonne d’aller quérir ma couronne avant qu’un quelconque brochet ne la fasse sienne. Je vous dis que je suis le lapin royal et vous me devez obéissance. Allez, ouste, à l’eau !

– Tu vois quelque chose qui ressemble à un lapin royal, toi ? demanda le cochon d’Inde à son compagnon. Moi, je ne vois qu’un lapin.

– Non, moi non plus, je ne vois qu’un lapin semblable à tous les lapins, lui répondit le hamster russe.

– C’est que j’ai perdu ma couronne, je viens de vous l’expliquer, elle…

– Mais, sans ta couronne comment savoir ? Es-tu vraiment le lapin royal que tu dis ? Et comment d’autres que nous vont-ils pouvoir te croire ? Je serais toi, je ferais très attention, le coin est plein de chasseurs. Et les chasseurs adorent le lapin ! S’exclama le cochon d’Inde.

– Adorent le lapin, reprit le hamster russe, en civet, à la moutarde, en gibelotte…

– Cessez, vous dis-je ! Vos plaisanteries sont déplacées. Obéissez-moi, sinon, mon maître, le roi, vous fera donner la bastonnade, menaça le lapin royal, qui, cependant, semblait perdre de son assurance.

– Mais, comment ton maître, le roi, te reconnaîtra-t-il sans ta couronne lorsque tu retourneras au château ? C’est vraiment très ennuyeux pour toi, cette affaire ! Un conseil, lapin, ne t’approche pas trop près du château et de ses cuisines. Evite la proximité des marmites et des marmitons.

– On t’aiderait bien, lapin, mais on a des choses importantes à faire, ajouta le hamster russe. Notre concours de ricochets n’est pas terminé et le perdant doit faire la vaisselle et le ménage pendant un mois dans notre terrier. Va la chercher toi-même ta couronne !

– Mais, je ne sais pas nager, bredouilla le lapin royal  complètement désemparé qui ressemblait à présent à un enfant perdu dans un supermarché.

– Et bien, apprends ! Mais en attendant, ne traîne pas du côté des cuisines. Souviens-toi, lapin : le civet ! la moutarde ! la gibelotte !

Et, abandonnant là le lapin royal, ils partirent à la recherche de beaux cailloux plats pour finir leur concours de ricochets.

Voilà donc pourquoi le lapin royal de mon histoire n’en menait pas large.

Le lapin royal ne réapparut jamais au château, trop effrayé à l’idée de finir au fond d’une marmite, noyé dans un court-bouillon au milieu de pommes de terre et de navets. Et de carottes aussi, un comble pour un lapin.

Le roi s’étonna un instant de la disparition de son lapin royal. Pour le principe, il accusa le laquais de ne pas avoir pris soin de son lapin royal et le fit mettre au cachot. Mais au fond, cette disparition ne lui fit ni chaud ni froid, car, des lapins royaux, il pouvait en avoir autant qu’il voulait.

Les rois sont comme ça.

La reine fut un peu contrariée de la perte de la couronne et se dit que les lapins, c’est bien pour faire des manteaux en peau de lapin, c’est tout.

Les reines sont comme ça.

Le prince et la princesse pleurnichèrent un peu, demandèrent à leur père de faire couper la tête du laquais. Le roi leur dit qu’il s’en occuperait le lendemain et, pour les consoler, leur offrit un perroquet qui chantait Le bon Roi Dagobert. Mais ils n’avaient pas besoin d’être consolés car, au fond, ce lapin, ils s’en moquaient bien.

Les princes et les princesses sont comme ça.

Et le lapin royal, me diras-tu, que devint- il ?

Il erra quelque temps, apprenant à ne compter que sur lui-même, dérobant des carottes dans les jardins des paysans, buvant la rosée du matin au creux des racines des arbres, dormant au plus profond des fourrés en se cachant du renard. Un jour, il rencontra une tribu de lapins qui l’invitèrent à emménager dans leur terrier. A vivre au grand air, il perdit du poids, ce qui lui allait plutôt bien. Il apprit à sourire, à rire. Au printemps, il tomba amoureux d’une jolie petite lapine, et…

Et c’est ainsi que se terminent souvent les contes pour les enfants :

Il se marièrent, furent très heureux ensemble, et eurent beaucoup d’enfants.

* * *

 

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